La Voix du Nord - 08/12/2006
SIGNALISATION
Des routes sans panneaux pour plus de sécurité ?

La surabondance de signalisation désoriente les automobilistes qui, selon le programme européen «Shared Spare», en ignorent 70%.
Imaginez une rue, une ville entière, sans feux tricolores, marquages au sol ou panneaux de signalisation… Foutoir garanti nous direz-vous ! Réaction bien française… Des ingénieurs européens plaident très sérieusement pour le minimalisme en matière de régulation du trafic, invoquant des retombées positives sur la sécurité routière et de bons résultats constatés sur des zones test. Les automobilistes seraient plus prudents sur les routes où ne sont affichées que les informations les plus essentielles. « C’est vrai », assure M. Hamilton-Baillie, chef de la branche britannique du programme Shared Space (Espace partagé), financé par l’Union européenne, destiné à tester la viabilité du concept des « routes nues ». Depuis 2004, certaines routes à Ipswich Allemagne), Ejby (Danemark), Ostende (Belgique) et Emmen (Pays-Bas) ont été dépouillées de leur signalisation, et les autorités suivent attentivement la situation.

Villes pionnières
Les villes néerlandaises de Makkinga et Drachten avaient ouvert la voie dans les années 70 sous la supervision de l’urbaniste visionnaire Hans Monderman. À Ipswich, trois rues étroites du centre ont été débarrassées d’un ensemble de panneaux, lignes et barrières. R estent quelques avertissements discrets mettant en garde contre le stationnement illégal. De nombreux habitants s’avouent perplexes. D’autres sont d’ores et déjà convaincus. « Les conducteurs se comportent entre eux de manière beaucoup plus civilisée », affirme M. Hamilton-Baillie, évoquant la ville néerlandaise pionnière de Drachten, où les feux ont disparu de la place Lawei. « Ils ont même élaboré leurs propres signaux manuels pour communiquer entre eux ! ». La place Laweiplein voit passer 22 000 véhicules par jour, dont des dizaines de bus. Ceux-ci mettaient auparavant 53 secondes en moyenne pour franchir le carrefour contre 24 à 36 aujourd’hui. Par ailleurs, en 2004 et 2005, seulement deux accidents ayant fait des blessés ont été déplorés, au lieu de dix en 2002, quatre en 2001 et neuf en 2000. Le concept suscite l’intérêt jusqu’aux États-Unis.
Selon les psychologues missionnés, une pléthore de panneaux crée la confusion chez les automobilistes, qui en ignorent de toute façon 70 %. À Ejby, dans le centre du Danemark, on a enlevé les panneaux de signalisation. « Certaines de nos villes sont aujourd’hui des jungles de panneaux où les automobilistes sont désorientés », affirme Peter Kjems Hansen, du département technique de la ville. À Bohmte, dans le nord-ouest de l’Allemagne, la municipalité compte enlever les bordures de trottoirs pour faciliter le passage quotidien de 12 500 véhicules. À Londres, dans la rue encombrée de Kensington High Street, le démantèlement de 850 mètres de barrières de sécurité pour les piétons en 2000 a porté ses fruits : entre 2000 et 2003, le nombre de piétons blessés a chuté de près de 60 % et la circulation est plus fluide. Malgré tout, le concept pose problème. « Combien de temps faudra-t-il avant qu’une personne aveugle ou malvoyante ne s’adapte à ces changements ? », interroge Bill Alker, de l’Institut royal national de Grande-Bretagne pour les aveugles…